Will Byles répond à nos questions !

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Chez SoVideoGame, quand on aime on ne fait pas les choses à moitié. Pour accompagner notre test d’Until Dawn, nous avons eu l’occasion de rencontrer Will Byles, executive director sur le jeu développé par Supermassive Games, et édité par Sony. Nous avons découvert un homme ouvert, et fin connaisseur du slasher, mais aussi de ses codes et des règles de mise en scène. Place à l’entretien.

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Dès sa présentation, Until Dawn a éveillé notre curiosité de fans de slashers. Pouvez-vous nous éclairer sur la naissance de ce projet, quand avez-vous eu l’idée d’adapter ce genre cinématographique en jeu vidéo ?

Will Byles : “L’idée originelle est venue il y a environ quatre ans, ce devait être un jeu pour PS3 et c’était beaucoup plus un jeu d’horreur pour ados. Ce n’était pas uniquement un slasher pour ados, c’était aussi un peu ringard, un peu drôle, quoi. Mais ce qu’il y avait de plus important était le contrôle des mouvements, notamment pour la lampe de poche… Vous pouviez ramasser des choses et les manipuler, il y avait des énigmes… C’était  vraiment un jeu basé sur le contrôle de mouvements. Lorsque nous avons participé à la Gamescom en 2012, l’accueil a été bien plus important que ce que nous avions imaginé et c’est un peu devenu une demande de la part de la communauté PlayStation. Les gens demandaient: « Pourrait-on avoir une version Dual Shock ? » La demande pour un jeu d’horreur était bien plus importante que ce que nous pensions. Donc nous ne pouvions pas changer de design comme ça car nous avions littéralement passé deux ans à faire des ajustements au niveau du mouvement. Nous nous sommes donc dit que si nous devions le faire, nous devions repartir de zéro et faire quelque chose de différent et c’est à ce moment-là que Sony nous a dit que la PlayStation 4 arrivait. Je leur ai dit : « La PlayStation 4 ? Nous pouvons faire des visuels bien meilleurs, nous pouvons les rendre très cinématiques. » Il y avait toujours une histoire, vous comprenez, et j’allais toujours essayer d’en tirer un vrai drame. Mais il y avait une manière de le faire pour la PS4 qui rendait l’idée bien plus forte. Et aussi, comme le public est plus âgé pour la PS4, nous avons pensé que nous pourrions faire quelque chose de plus sombre, plus tourné vers l’horreur. Donc, nous avons tout recommencé, nous nous sommes penchés sur le genre que nous voulions utiliser et nous nous sommes dit : « Et si nous détournions ça ? Arrêtons-nous là où nous en étions ! » Nous avions en effet des personnages très cliché dans l’idée originale et nous nous sommes dit : « Gardons-les et démarrons le jeu de manière à ce que tout le monde comprenne ce qu’il se passe et soit conscient des règles, comme ça nous pourrons mieux les briser et nous en moquer ». C’est un peu comme ça que ça s’est passé.”

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Le travail de Quantic Dream sur Heavy Rain vous a-t-il mené vers une réflexion mélangeant cinéma et jeu vidéo ?

Will Byles : “Les gens de Quantic Dream ont été parmi les premiers à vraiment populariser le genre du jeu interactif cinématographique. Heavy Rain était le premier gros succès dans ce domaine. Et nous avons grandement été influencés par cette idée et je pense que c’est un medium très très intéressant vers lequel s’orienter. Je viens du théâtre et du cinéma déjà, donc cela faisait longtemps que j’avais envie de travailler sur ce genre de narration.  Il y a toute une palette de langages différents et légèrement disparates, composée pour moitié de langage filmique. Et tout le monde comprend le langage filmique, c’est quelque chose d’universel. Même si vous l’ignorez parfois… Lorsque le spectateur moyen regarde un film, il est capable de sentir lorsque vous dépassez les bornes, il voit bien que quelque chose ne colle pas. Donc il maîtrise une grammaire complexe et particulièrement sophistiquée. Ils ignorent peut-être que c’est le cas, mais c’est la réalité. Il y a ensuite le langage du jeu vidéo, qui est quelque chose d’inhérent au genre. Le point de vue subjectif, la vue à la troisième personne. Pour la vue subjective, personne ne se pose la question de savoir où sont ses mains. C’est dingue quand on y pense ! Tout le monde comprend ce qui se passe si on tire sur un baril rouge parce-qu’il s’agit d’un langage, puis on ajoute un autre langage et le mélange des deux est compliqué… Ce n’est pas une naissance facile, si on peut dire ! (rires) Donc il y a des choses comme une caméra cinématique et un personnage que vous contrôlez qui s’éloigne en vous tournant le dos, puis on enchaîne avec un contrechamp. Et essayer de garder une fluidité là-dedans est très compliqué, du coup nous devons faire beaucoup de tests, beaucoup de tests utilisateur car parfois, en parlant de raccords, il peut y avoir des problèmes. Le seul qui était mauvais dans le jeu était un plan à 19 degrés… L’autre plan allait dans un sens, puis vous aviez ce plan à 19 degrés et si vous coupiez à l’angle lorsque vous tourniez, d’un coup, cela paraissait très bizarre. Donc tout était une question de timing dans le montage, la nature des caméras, les focales que nous utilisions, le style d’éclairage…  Nous avons dû inventer un nouveau type d’éclairage qui ne fait pas partie du jeu traditionnel, qui était plus cinématographique, comme si chaque personnage avait son propre pont lumière et que chacun avait toujours un rétro-éclairage, peu importe qui il est et peu importe s’il fait noir ou pas. Il devait toujours y avoir une lumière clé et un rétro-éclairage, ainsi qu’une fill light. Ce qui signifie que vous pouvez avoir des zones très sombres, vos personnages seront toujours éclairés, sans qu’ils paraissent bizarres, comme c’est le cas dans les films. Vous avez des directeurs de la photo très intelligents qui éclairent tout.  Donc c’est un mélange compliqué, mais je pense qu’il devient de plus en plus familier. Et je pense qu’avec un peu de chance, cela poussera le genre plus loin dans cette direction. »

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Le passage sur PlayStation 4 vous a surement permis d’améliorer des éléments. Pouvez-vous nous éclairer sur ces probables améliorations ?

Will Byles : « Donc l’une des grosses différences entre la PlayStation 3 et la PlayStation 4, mis à part le choix entre des styles différents, était la capacité à utiliser une technique filmique qui est utilisée en CGI (ou animation 3D, ndlr) pour l’animation faciale. Pour bien comprendre ce qu’est notre technique, il faut savoir que dans l’animation de jeu traditionnelle, même si le modèle pour le personnage semble avoir été conçu par un modéliste, il est souvent scanné à partir d’un acteur, ce qui donne un rendu assez raffiné et font que sa bouche ou ses yeux sont réalistes. Puis il y a ce que l’on nomme le « skinning », qui ressemble à une araignée constituée d’os et dont chaque os est relié à une zone de la peau. Lorsqu’un acteur joue, il a des points partout sur le visage et ses expressions sont ensuite converties. Mais ce qu’il se passe est que vous vous retrouvez avec une sorte d’approximation de ce qu’il se passe réellement . Donc, pour un sourire, vous aurez les pommettes qui ressortent. Même lorsque c’est bien fait, ça fait toujours un peu faux. Donc ce que nous avons fait est que nous avons scanné l’acteur, comme dans le cas d’un modèle, mais ensuite nous avons scanné chaque pose émotionnelle. Donc, pour tout ce qu’un acteur peut faire avec son visage, nous avons scanné un modèle. Du coup, c’est comme si chaque modèle en contenait 150 autres et à chaque fois qu’un acteur joue, peu importe son expression, ce modèle peut la reproduire. Et vous vous dites : « Ok, c’est une vraie expression ! » et c’est ainsi que ça prend forme. Vous pouvez donc littéralement lui éclater les pommettes, lui écraser les yeux… C’est un genre de modèle complètement différent. Et c’était quelque chose de très sympas à faire pour un jeu d’horreur, vous pouvez vraiment voir la peur dans le regard des gens, ce qui est bien plus compliqué à obtenir avec l’ancien système.”

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Lors des premières présentations du jeu, vous avez parlé de références : A Nightmare on Elm Street, I Know What You Did Last Summer et Scream. Aviez-vous encore d’autres slashers en tête lors du développement, et pouvez-vous nous en citer quelques uns ?

Will Byles : “Les références que nous utilisons dans Until Dawn, nous les utilisons pour l’aspect slasher. Nous voulions faire quelque chose où nous prendrions un sous-genre de l’horreur très familier pour mieux le pervertir et le détourner. Nous nous sommes donc inspirés de films assez traditionnels comme Souviens-toi l’été dernier et Les griffes de la nuit, puis vous aviez Scream, qui est beaucoup plus tourné vers l’auto-référence et se penche sur son propre genre pour mieux  le retourner complètement. Mais il y avait aussi des films comme La cabane dans les bois, qui s’attaque au genre auquel vous pensez qu’il appartient, et le change complètement. Nous voulions démarrer le jeu d’une manière similaire, de sorte à ce que cela semble de prime abord très familier, en utilisant les mécanismes du slasher, qui nous permettaient de les pervertir et de jouer avec pour briser les règles. Ce qui devait avoir pour effet de déstabiliser davantage le joueur. »

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Une rumeur chuchotait la possibilité de possibilité d’associer Until Dawn avec Project Morpheus, le casque de réalité virtuelle par Sony. En avez-vous eu l’envie pendant le développement ?

Will Byles : « Évidemment, quand Project Morpheus est sorti, nous étions très excités et nous pensions : « Oh mon Dieu ! Nous pouvons faire quelque chose d’horrifique avec ça ». Malheureusement, en ce qui concerne Until Dawn, cela n’est pas possible en raison de la structure même du jeu, qui est une série de caméras cinématiques où vous passez d’une caméra à l’autre, parfois fixes, parfois en mouvement. Ce qui arrivait très souvent si vous êtes penchés sur Morpheus, c’est que si votre tête et vos yeux font des choses différentes, cela vous rend malade. Nous ne pourrions pas faire ce que nous avons fait sur Until Dawn avec Morpheus. Cela vous rendrait juste vraiment malade. Je pense malgré tout que Morpheus est une plateforme idéale pour explorer l’horreur. Il nous semble que cela pourrait vraiment vous faire peur. C’est une expérience très intense et si on ajoute l’ingrédient de l’horreur… Je veux dire, j’ai moi-même essayé deux démos avec, et j’étais vraiment : « Oh, mon Dieu ! » C’est vraiment intense. Et l’élément horrifique pourrait vraiment vous rendre dingue !”

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Les slashers à succès font fatalement l’objet de suites. Nous espérons le succès pour Until Dawn, avez-vous déjà pensé à une suite, l’idée a-t-elle déjà été émise en interne ?

Will Byles : “Lorsque nous réfléchissions à Until Dawn, nous avions déjà à l’esprit qu’il puisse y avoir une suite. La difficulté que nous rencontrons est que nous ignorons de quelle façon vous allez terminer le jeu. Il se peut que tout le monde soit mort ! Et si tout le monde est mort, cela pourrait être compliqué de faire une suite qui ait un lien direct avec le premier jeu. Donc, c’est compliqué… C’est la même chose pour le DLC. Nous pensions en proposer et puis, nous nous sommes dit : « Non, ce n’est pas possible ! » Il se peut que votre histoire soit très différente de celle des autres joueurs et en ce sens, le DLC est complètement agnostique au reste de l’histoire. Ce serait une idée étrange, très étrange. Cela ne signifie pas que nous comptons en rester là. Mon sentiment personnel est que ce serait vraiment super de nous tourner vers un nouveau genre d’horreur. Mais nous devons déjà voir comment les choses se passent avec ce jeu. Nous ignorons encore quelles seront les réactions… Elles peuvent être vraiment bonnes ou bien plus mitigées. Nous ne savons vraiment pas. Vous savez, lorsque vous vous écartez un peu de la norme des jeux vidéos, vous vous retrouvez avec quelque chose de complètement imprévisible. Donc j’espère que le jeu sera très bien accueilli et si c’est le cas, je suis sûr que nous aurons quelque chose  sous le coude.”

Interview traduite de l’anglais par Cécile Desbrun, que vous retrouvez sur http://cecile-desbrun.over-blog.com/.

Remerciements à Will Byles et Sony Computer Entertainment France, pour leur disponibilité.

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